Viktor ULLMANN (Teschen 1898 - Auschwitz 1944) "Musique Dégénérée"

Viktor Ullmann est actuellement un des plus connus parmi les compositeurs de \"Musique dégénérée\" de Terezín. Avec Pavel Haas, Gideon Klein, Hans Krasa, Rudolf Karel, Erwin Schulhoff et tant d’autres, Viktor Ullmann (Teschen, auj. Český Těšin, 1er janvier 1898 - Auschwitz,18 octobre 1944) est un des nombreux artistes juifs que les nazis parquèrent à Terezín.
Viktor Ullmann, né de parents juifs convertis au catholicisme, a fait ses études au lycée de Vienne en même temps qu’il suit des cours de piano. Il s’engage comme volontaire dans l’armée impériale et est affecté sur le front italien. Rentré à Vienne, il entreprend des études de droit mais préfère la musique. Il est alors élève de Schönberg en contrepoint et orchestration (1918-21). Dès 1919, il s’installe à Prague où la communauté germanophone juive brille d’un grand éclat culturel. Après avoir été intendant d’opéra dans la petite ville d’Ustí nad Labem, il devient l’adjoint de Zemlinsky au Neues Deutsches Theater de Prague. Curieusement, il se tourne à cette époque vers le mouvement anthro-posophique et délaisse la musique malgré le succès de sa Variation et double fugue sur un thème de Schoenberg au Festival de la Société Internationale de Musique Contemporaine (SIMC) en 1929 et celui de son Concerto pour orchestre à Francfort en 1930. En 1931, il tient la librairie Novalis de Stuttgart qu’il fuit en 1933. Il revient à Prague et étudie la composition en quart de ton (1935-37), probablement avec Alois Hába son aîné de 5 ans. Il dirige aussi l’orchestre du Neues Deutsches Theater.
En 1942, il est arrêté et envoyé à Terezín où il travaille avec acharnement, entre autres à son opéra Der Kaiser von Atlantis (1943) sur un livret d\'un co-détenu, Petr Kien, qui diparaîtra comme Ullmann à Auschwitz. Le dictateur mis en scène est très reconnaissable. Il compose beaucoup d’autres pièces dont une ouverture Don Quichotte (1944), trois Chœurs d’Enfants hébraïques (1943-44), des Sonates pour piano, une 2ème Symphonie (1944). Déporté à Auschwitz en octobre 1944, il y meurt gazé deux jours plus tard. De son œuvre qui comptait déjà plus de cinquante numéros d’opus en 1939, la plus grande partie a disparu, manuscrits vraisemblablement perdus pendant l\'occupation allemande de la Bohême, la renommée posthume lui vint à partir de 1975, avec la création de Der Kaiser von Atlantis, dont il existe deux enregistrements. Son œuvre est représentative du courant expressionniste.
Comme les autres compositeurs de l’ « Entartete Musik », Viktor Ullmann est considéré comme faisant partie du patrimoine culturel germanique et est assez souvent joué en Allemagne.
Der Kaiser von Atlantis a, entre autres, été mis en scène par Stephan Grögler et Richard Brunel (Lyon 2013)

Plusieurs musiciens, comme Nathalia Romanenko, ont forgé le projet de faire revivre la musique des compositeurs de Terezín .

Le Concerto pour piano
Composition d’ampleur moyenne, une vingtaine de minutes, dédiée à la pianiste Juliette Aranyi (Brezno, auj. en Slovaquie, 1912 – Auschwitz 1944 ; également déportée à Terezín) qui fut aussi la dédicataire en 1938 du Concertino pour piano H. 269 de Martinů) le Concerto pour piano op. 25 date de 1939 et la partition eut la chance pour la postérité d’être imprimée.

A Terezín, Ullmann écrit au Directeur de « l’organisation des loisirs » en juin 1943 : « J’ai reçu récemment la partition imprimée de mon Concerto pour piano. L’artiste qui s’était procuré l’œuvre voulait en commencer l’étude de bon cœur et je devais jouer moi-même la partie d’orchestre sur un second piano. Je viens d’apprendre qu’on a contraint l’artiste à jouer Mozart au lieu de créer mon concerto. Il est facile de donner ainsi raison au reproche ironique d’un journal aryen, prétendant que les juifs ne composent pas de musique, ou, tout au moins que nous ne la jouons pas [...]» (citation extraite du communiqué de presse de Toulouse, 21 février 2012). Dans la partition qui est parvenue à Terezín, Ullmann a apporté de nombreuses corrections, des fautes d’impression la plupart du temps, mais aussi quelques modifications de tempo, notamment dans le premier mouvement. Schott l’a édité en 1998 en utilisant toutes les sources : manuscrite, imprimée à partir du manuscrit autographe, première impression à partir du manuscrit, partition avec les corrections du compositeur et copie de la partie de piano réalisée par lui. (D’après la préface du pianiste Konrad Richter qui a participé à l’édition et enregistré l’œuvre).

Expressive et rythmée, la musique d’Ullmann procède d’une construction rigoureuse. Le Concerto pour piano conjugue tradition et modernité. Le premier mouvement est de forme sonate avec ses deux thèmes développés et réexposés ; le piano est traité à la fois comme soliste et instrument de l’orchestre. Le mouvement lent est élégiaque ; son thème est donné, puis repris avec deux orchestrations différentes. Le scherzo est à la fois traditionnel et original : la forme est tradi-tionnelle avec un trio central en rythme de valse, l’originalité vient du rythme ragtime des deux sections qui encadrent le trio. Le dernier mouvement a de nombreux changements de rythme ; on y entend le thème principal du premier mouvement, comme un ostinato et les sonorités caractéristiques du banjo-ténor, curieux instrument, également utilisé par Ullmann dans son célèbre opéra Der Kaiser von Atlantis. La création par le pianiste Konrad Richter a eu lieu à Stuttgart en 1992 sous la direction d’Israel Yinon.

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