Iša (František) KREJČÍ (Prague 1904-Prague 1968)

Iša Krejčí fait partie des compositeurs tchèques des années vingt. Ces années qui suivent la première Guerre mondiale apportent un nouvel élan dans le domaine de la musique. On quitte les effusions du romantisme tardif et l’on voit naître une expression musicale sobre et concise. Les compositeurs reviennent à la simplicité classique à laquelle s’ajoute l’humour teintant leur musique de rythmes et d’harmonies de jazz.

Iša Krejčí, parmi les compositeurs tchèques, devient un adepte de ce néo-classicisme. En 1925, à l’âge de vingt et un ans, il participe comme disciple de Karel Boleslav Jirák en présentant une composition apparemment anodine, mais qui eut une grande répercussion, à un concert des élèves du conservatoire de Prague. L’adhésion d’Iša Krejčí au courant néo-classique apparaît clairement dans Cassation pour flûte, clarinette, trompette et basson (1925). Krejčí n’a pas été un imitateur des néoclassiques Européens car il a construit sa propre conception qui s’appuyait sur l’exemple de Mozart. On l’appelait d’ailleurs le « Mozartino tchèque ». Son style porte aussi l’empreinte de son pays. À la pureté mozartienne, trait essentiel de son œuvre se mêle le goût pour la mélodie populaire. Ces deux caractères ne s’opposent pas ; son oeuvre se définit par cette harmonie entre la mélodie lyrique et chaleureuse de la chanson populaire tchèque et l’enjouement classique. La Cassation est la première d’une série de compositions qui ont en commun la brièveté et la simplicité de la forme. Dans cette oeuvre, la durée de chaque mouvement n’excède pas une minute et la totalité de l’oeuvre demande cinq minutes d’exécution. Son penchant pour les oeuvres miniatures s’affirmera par la suite : Krejčí ne composera que des sonatines (Sonatine pour alto et piano – 1929, Sonatine pour clarinette et piano – 1930, Sonatine pour piano – 1934). Il n’écrira que des scherzinos et des concertinos. (Concertino pour piano et instruments à vent – 1936, Concertino pour violon et instruments à vent – 1936, Concertino pour violoncelle et orchestre – 1940). Parmi ses oeuvres de petites formes, on peut mentionner le Nonette (1937), la Symphoniette (1939), le Petit Ballet… Ce sont des sortes d’aphorismes et des pointes spirituelles, révélatrices de l’esprit du compositeur. Au cours des années vingt et trente naissent aussi un grand nombre de chansons et de chœurs qui témoignent d’un sens très sûr de la valeur poétique des textes choisis par Krejčí : de la poésie tchèque ancienne (Jan Neruda, František Ladislav Čelakovský, de K. H. Mácha, poètes du 19ème siècle) et de la poésie contemporaine (Vítězslav Nezval, F. X. Šalda, Josef Hora, Jiří Wolker, Josef Toman, etc.). Son inspiration s’enrichit de son goût pour l’Antiquité (Sophocle), de la connaissance des écrits du pédagogue et humaniste tchèque Jan Amos Komenský (Comenius) et de la Bible. Les œuvres vocales de Krejčí révèlent une grande culture et une connaissance éclectique que l’on peut rattacher à ses études : humanités au lycée, études de musicologie et d’histoire à l’Université Charles de Prague et à sa filiation, son père était professeur d’université. Iša Krejčí se lia très vite d’amitié avec des compositeurs et des musiciens qui avaient choisi les mêmes orientations que lui et qui l’appuyèrent. Dans les années trente, il créa avec eux le groupe musical Manes, nom emprunté au fameux groupe de peintres et de sculpteurs. Les concerts avaient lieu dans les salles d’exposition. Le groupe donna son premier concert public en 1933 (Krejčí avait vingt-neuf ans). Ce groupe musical réunissait de fortes individualités comme : Pavel Bořkovec, Jaroslav Ježek (fervent propagateur du jazz et compositeur original de musique « sérieuse »), František Bartoš (critique et éditeur), Václav Holzknecht (pianiste). Ce groupe devint synonyme d’art moderne et dynamique, I. Krejčí lui apporta son originalité. Depuis sa jeunesse, I. Krejčí était attiré par la direction d’orchestre et avait aussi une passion pour l’opéra. Sa carrière de direction d’orchestre a commencé au lycée puis au conservatoire, où il dirigea son concert de fin d’études. Par la suite, il dirigea des orchestres partout où l’occasion se présentait : salles de concert, théâtres, radios. Ses talents de chef d’orchestre s’exprimèrent plus pleinement lors de sa nomination de Directeur de l’opéra d’Olomouc (Moravie) après la deuxième Guerre mondiale. Krejčí quitta Olomouc en 1958, après avoir élevé le niveau artistique de cette scène, pour devenir le directeur de la programmation et le chef d’orchestre attitré du Théâtre National de Prague où il resta fidèle à l’opéra. Conscient des exigences et des écueils possibles de ce genre musical qu’est le drame lyrique, comme compositeur, il ne l’aborde qu’assez tard. Il choisit d’abord un sujet de tragédie classique : Antigone de Sophocle (1933, remanié en 1962), qu’il mit en musique en l’adaptant de façon remarquable au style de l’oeuvre. Son opéra le plus important a été écrit entre 1933 et 1949. Il s’agit d’Effervescence à Ephèse d’après la Comédie des Erreurs de William Shakespeare. Cet opéra connut un grand succès et des reprises multiples. On retrouve dans sa musique l’insouciance joyeuse et la méditation lyrique. Son dernier opéra Les Ténèbres d’après le roman historique de Jirásek est resté inachevé (1944-1951). L’œuvre de Krejčí parvient à pleine maturité dans les années d’après guerre. Krejčí se concentre alors davantage sur le mystère de la vie et l’élément méditatif va prendre une plus grande place dans sa musique. Les années 1951-1952 voient naître les Quatorze variations sur la chanson populaire « Bonne nuit, bien-aimée », écrites à la mémoire de sa femme qui vient de mourir. On retrouve la méditation et le recueillement dans ses quatre symphonies, la plus remarquable étant la deuxième : Symphonie en do dièse mineur 1957 et dans ses cinq quatuors, nous citerons le deuxième : quatuor en ré mineur 1953. Mais Krejčí n’oublie pas la gaîté et l’humour que l’on retrouve dans sa Sérénade pour orchestre 1950, les deux Quintettes pour instruments à vent ou l’ouverture Vivat Rossini (première en 1968) qui témoignent de l’attachement d’Iša Krejčí aux valeurs humaines.
G.C.CHADUTEAU-RICOU, 2006
Œuvres les plus importantes de Iša Krejčí
• Pour piano et petits ensembles
Sonatine (1934) et 3 Scherzinos (1945)
Quatre suppléments musicaux pour violon et piano (1966)
Sonatine pour alto (1928-1929)
Sonatine pour clarinette (1929-1930)
Trios pour hautbois, clarinette et basson (1935)
Trios pour clarinette, contrebasse et piano (1936)
5 Quatuors à cordes (1928, 1953, 1960, 1962, 1965)
Divertissement-Cassation pour flûte, clarinette
trompette et basson (1925)
Nonette-Divertissement (1938)
• Compositions pour orchestre
Symphoniette (1929)
Symphoniette-Divertissement (1929)
20 Variations sur un propre thème (1946)
14 Variations sur une chanson folklorique
(Nenies à la mémoire de sa femme, 1951-1952)
Sérénade (1947-1950)
4 Symphonies (1954-1955, 1957, 1961-1963, 1967)
Ouverture Vivat Rossini (1967)
Concertino pour piano 1935)
Concertino pour violon (1936)
• Parmi les chants
5 Chants sur des textes de Vítězslav Nezval (1926)
Motifs antiques (1936)
5 Chants sur J.A. Komenský (Comenius) (1938)
• Morceaux de musique de chambre avec chant
Petite musique de chambre pour contralto, viole, violoncelle et contrebasse (František Halas,1936)
Trio pour piano et cordes avec chant à voix féminine sur les versets d’un psaume (1967)
• Choeurs et madrigaux
Le chant des foules (Josef Hora, 1925)
• Cantate
Le Petit Ballet (V. Nezval, 1927-1930)
• Opéras
Antigone (Sophocle, 1933-1934, 1958-1959)
Effervescence à Ephèse (J. Bachtík, d’après Shakespeare, 1939-1943)
Les Ténèbres (M. Ocadlik, d’après A. Jirásek, 1941-1951, inachevé)
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Discographie
Sérénade pour orchestre, Concerto pour basson et Symphonie n°2 - CPO, K. Ančerl (enregistrement de 1957) Supraphon

(Ne pas confondre avec son homonyme Miroslav Krejčí.)

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