Bohuslav MARTINŮ (Polička 1890 - Liestal (Bâle) 1959)



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Cette monographie comprend deux parties : la première porte sur les compositions, chacune faisant l'objet d'un tableau avec une manière de fiche technique, la discographie à jour novembre 2017 et un commentaire.
La seconde partie reprend l'ensemble des articles concernant Martinů parus dans les Cahiers du Mouvement depuis l'origine.

Voici un exemple, concernant le QUATUOR A CORDES N°5 H.268
Titre tchèque ou original: Smyčcový kvartet č.5
Date, lieu de composition: 1938, Paris
Archives: Musée National à Prague et esquisse complète à Brno ; copie à l’Institut Martinů à Prague
Dédicace: Vítězslava Kaprálová
Création: Juillet 1938, Los Angeles par le Quatuor Pro Arte/ création à Prague le 25 mai 1958 par le Quatuor Novák
Édition / Droits: Editions d’Etat, Prague 1959 / Bärenreiter
Durée: 27 minutes 30 sec
Mouvements:1. Allegro ma non troppo 2. Adagio 3. Allegro vivo 4. Lento - Allegro
Formation instrumentale: 2 Violons, alto et violoncelle

Discographie
PRAGA 250205 (+ Quatuor N°2 H.150, Quatuor n°4 H.256) Quatuor Kocián, 2006.

ARCO DIVA UP0085 (+Kaprálová Quatuor à cordes op 8, Suk Méditation sur le choral de Saint Wenceslas) Quatuor Kaprálová, 2006

BIS 1389 (+ Quatuors n°3 H.183 et n°4 H.256) Emperor Quartet, 2005.

NAXOS 8553784 (+ Quatuors n°4 H.256 et n°7 H.314) Martinů String Quartet, 2003.

BAYER RECORDS 100152 - 3CD (intégrale des sept Quatuors à cordes + Trois Madrigaux H.313, Trio à cordes n°2 H.238,) Stamitz String Quartet, 1995.

SUPRAPHON 3917 – 3 CD (Intégrale des sept Quatuors à cordes) Quatuor Panocha, 1979-83, réédité 2007.

Commentaire:
Année extrêmement critique en Europe, 1938 verra la composition de quatre œuvres majeures de Martinů, dont le Double Concerto H.271. On ne reviendra sur les relations entre le compositeur et sa jeune élève V. Kaprálová que pour souligner combien ce que Guy Erismann appelle le « programme intime » revêt de l’importance. Il faut rester discret sur ce qui appartient à l’intimité. « Programme intime » exprime donc bien l’indispensable retenue, même si le manuscrit porte de nombreuses annotations non musicales faisant référence à V. Kaprálová (indications en marge, dessins humoristiques, pensées personnelles et considérations sur des divergences d’opinions musicales avec celle-ci). Le manuscrit fut perdu pendant la guerre mais heureusement retrouvé en 1955 par M. Šafránek qui n’y fit qu’une brève allusion dans son livre sur Martinů en 1962, par égard pour Charlotte encore vivante. A propos du manuscrit, Harry Halbreich signale dans son commentaire sur les archives qu’il s’agit d’un « document personnel inestimable pour la biographie de Martinů grâce à la grande quantité de dessins et d’inscriptions qui sont l’histoire de la génèse de l’œuvre et un véritable journal de sa relation amoureuse avec Vítězslava Kaprálová.» Et il ne manque pas d’ajouter, à l’instar de tous les commentateurs que l’œuvre est à rapprocher du Quatuor n° 2 « Lettres intimes » de Janáček. Cependant, il faut souligner une différence essentielle entre les deux compositions et qui tient entre autres aux caractères radicalement différents des deux maîtres : Janáček donne à entendre le reflet de « sensations à l’état brut » tandis que Martinů déploie « un prisme de sentiments ». (G.E. op. cit) Il est clair que Vítězslava Kaprálová fut une source d’inspiration et un stimulant de création extraordinaire. L’apport considérable de Martinů à l’univers du quatuor à cordes fait évoquer par certains, dont Brian Large, Bartok (Quatuor n°3).
Cela conduit à apprécier sans doute encore plus la profondeur de l’inspiration, la finesse des sentiments, la qualité de l’expression. D’autres compositeurs et non des moindres ont de même puisé dans leur vécu relationnel comme source d’inspiration. Chez Martinů, l’épure d’abstraction lyrique atteint le sublime : « Dans certaines circonstances, les plus grands créateurs peuvent encore se surpasser » dit à juste titre Harry Halbreich à la première phrase de son commentaire (op. cit.) qui ajoute que ce dépassement de soi se fera une seconde fois en 1938 dans un tout autre registre avec le Double concerto H.271. La motivation sous-jacente étant combien différente, de la sphère la plus privée à l’universel.
Enfin, rien que par son ampleur, ce quatuor dépasse toutes les autres compositions de chambre, hormis le Quatuor « 0 » H.103. Pièce abrupte, sans concession et sans complaisance, d’une tension constante, le Quatuor n°5 se démarque complètement du précédent (H.256) de 1937. Martinů y donne effectivement libre cours à une véhémence presque romantique de laquelle il n’est guère coutumier et que souligne cette autre particularité rarissime pour ne pas dire unique chez lui, qu’est la tonalité pratiquement fixe - sol mineur - tout au long de la pièce (sol mineur vers do mineur à la fin du deuxième mouvement et do mineur/sol mineur dans le troisième). Quelle en est la signification ? Comme dans le Quintette K.516 de Mozart, sol mineur est la couleur de la crise, de l’angoisse, de la violence intérieure, voire de l’enfermement.
Ni Martinů ni V. Kaprálová ne purent assister à la création en 1938 à Los Angeles. Ils n’entendirent jamais l’œuvre. Vítězslava mourut en effet en 1940 et, lors de la création pragoise en 1958, Martinů était, comme on le sait, « absent » de son pays.
Le premier mouvement est sombre avec une écriture fragmentée et en partie percussive ; rares sont les moments de tendresse cependant que le second violon entame une funeste variation du début du Requiem de Dvořák. Dans le mouvement suivant – Adagio – la tension devient dramatique et mélancolique. Le manuscrit porte à cet endroit une citation musicale d’une Chanson de V. Kaprálová, qui manifestement devait avoir de l’importance pour Martinů au point qu’il s’en serve comme point de départ d’une méditation du violon solo qui s’élève tel un cantique d’amour. L’Allegro vivo du troisième mouvement est un furieux Scherzo : la vie, le tumulte, l’imprévu. Le rythme syncopé est turbulent. Un Lento passionné commence le quatrième mouvement qui vire rapidement à l’adagio tragique. Puis l’expression est envahie d’amertume mais la fermeté virile l’emporte avec des motifs en octaves aux quatre instruments avec une coda puissante en larges accords espacés donnant une impression de force et d’originalité. (d’après Brian Large, op cit).
Œuvre très exigeante à tous points de vue, tant pour les instrumentistes que pour l’auditeur dont l’attention est exigée à chaque instant, le Quatuor à cordes n°5 se place entre les Tre Ricercari H.267 pleins d’originalité d’instrumentation et illuminée par la même V. Kaprálová, et le Concertino pour piano H.269, page néo-classique de moindre relief après l’exceptionnel Quatuor. L’évocation de Vítězslava Kaprálová retiendra encore Martinů beaucoup plus tard, en 1957, avec Vzpomínky (Souvenirs) H.362.






















































La Fée Nulle (Les Trois Souhaits ou les vicissitudes de la vie) aquarelle de Danielle Doucet, 2002

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